BIOGRAPHIE

                      

Gilberte Dufresne et Harold Bouchard

           

Texte de Christine Martel

lu à la présentation de Harold Bouchard

au Gala de l’Ordre du Bleuet, le 19 novembre 2021


Les premiers vitraux fabriqués par l’humain apparaissent 5000 ans avant Jésus-Christ. Cette rencontre du verre, du plomb et de la lumière est un mariage qui se célèbre depuis des lustres et la technique millénaire n’a jamais été supplantée. Ce que l’on appelle un « travail de moine » exige, de l’artisan-verrier, un savoir-faire rigoureux et complexe et une constance dignes des plus grands contemplatifs de ce monde. 

 

Quand on recherche un spécialiste dans un domaine aussi pointu, on a le réflexe de penser qu’il faille se tourner vers les grands centres. Ce trésor existe au Saguenay–Lac-Saint-Jean et se nomme Harold Bouchard. Il est parmi les seuls à pratiquer cet art, venu d’un autre siècle. Son indéniable talent et ses efforts concertés l’ont fait rejoindre le club sélect des gardiens de notre patrimoine religieux, lieu sacré de notre mémoire collective. 

 

Harold Bouchard naît à Arvida, le 28 avril 1955. Son père Albert, contremaître à l’atelier de la forge Alcan, est partisan de bien-être et de justice sociale. Sa mère, Janine Poirier, gère la famille tout en exerçant avec passion la couture, la peinture et la décoration. Dès son jeune âge, il rêve de voyage et de liberté. Il se destine à la musique mais la vie, inspirée par son côté marginal et aventurier, lui réserve heureusement un sort différent. 

 

Au retour d’un voyage de six mois en Europe, continent reconnu pour sa vitalité artistique et la richesse de sa culture, le jeune apprenti se forme et commence sa carrière à Montréal auprès du maître-verrier Pierre Osterrath, un ami de sa sœur Sylvie, elle aussi artiste. Avec son mentor, il collabore à la réalisation de vitraux de plusieurs églises et cathédrales tant en Ontario, en Nouvelle-Angleterre que dans la métropole. Pendant trois ans, il a la chance de côtoyer les Jean-Paul Mousseau, Marcelle Ferron, Frédéric Back, Mario Mérola, Jean Dumontier, et nombre de créateurs tout aussi impressionnants pour le jeune débutant qu’il est. Il suit également une formation en peinture sur verre et grisaille, auprès du maître Maurice Gareau, en 1995. Après d’autres apprentissages, il fait des stages en restauration et conception de vitraux à Paris, Chartres et Reims. 

 

L’artisan des clairs-obscurs revient s’établir dans sa région natale, en 1979, à la fin d’une époque de revalorisation des techniques artisanales et des savoir-faire ancestraux. En effet, les tendances en décoration des années 1980 ne sont pas tendres envers le vitrail, et l’artiste en profite pour se tourner vers la gravure sur verre. Heureusement les modes sont cycliques, la discipline reprend rapidement la place qui lui est due et les ressources sont rares et précieuses. Le bosseur touche alors à plusieurs approches connexes et, encore aujourd’hui, il continue à produire en ce sens, selon les demandes qu’il reçoit. Malgré les difficultés inhérentes au démarrage de ce type d’entreprise, il a persisté et s’est construit une renommée qui, au fil des années, lui a permis de bien vivre de son art, dans cette alma mater où il a installé sa famille avec Claircy, la femme de sa vie depuis plus de quarante ans. Ses enfants Éli et Aude, avec ses petits-enfants, ajoutent au bonheur de l’homme qui affirme volontiers que les gens heureux n’ont pas d’histoire. Celle avec un grand H, qu’il préserve depuis plus de 43 ans, lui doit quand même une fière chandelle et gardera précieusement son nom pour la postérité. 

 

Harold Bouchard est un artiste accompli et chaleureux qui perpétue les grandes traditions. Aujourd’hui, sa réputation n’est plus à faire et le travail ne cesse d’affluer. Les nombreuses commandes proviennent autant du privé que de concours qui, par exemple, ont donné les somptueuses verrières du Musée du Fjord de La Baie ou de la chapelle des Sœurs Antoniennes de Chicoutimi, de la nouvelle église de Normandin, la réfection de ceux du Centre d'histoire Sir-William-Price à Kénogami, et le vitrail de la station Charlevoix du métro de Montréal. S’ajoutent également de précieux legs du domaine religieux, grâce à la sauvegarde d’œuvres diverses : celles de la cathédrale de Chicoutimi, de Guido Nincheri au couvent des Sœurs du Bon-Pasteur, de l’église Saint-Georges de Jonquière, remises à neuf en vue de leur installation à l’oratoire de l’Ermitage du Lac-Bouchette, et les vitraux de l’église Saint-Joseph d’Alma. 

 

Le maître-verrier a reçu de nombreux prix d’excellence et mentions spéciales, des bourses du ministère de la Culture et des Communications et de l’aide financière de sources diverses. Il a réalisé des expositions individuelles et de groupes, ici et ailleurs. Il fait partie d’associations professionnelles, dont la Corporation des Métiers d’Art du Saguenay–Lac-Saint-Jean et l’Association québécoise des verriers.

 

Harold Bouchard a bien servi le milieu des arts visuels de la région, puisque sa production y est semée partout, de même qu’à l’extérieur de celle-ci. Ce remarquable alchimiste de la lumière, par ses multiples formations et voyages, ne fait pas que concevoir ses propres créations mais, grâce à ses interventions de restauration et de réinstallation de vitraux anciens, participe également à la conservation de chefs-d’œuvre du patrimoine mondial. Dans le secret de l’atelier, armé de ces savoirs dont il a hérité et qu’il met constamment à profit, il continue de développer cette esthétique qui lui est propre : un style végétal, qui privilégie les formes arrondies, les lignes fluides, les teintes douces et les nuances pastel. Ceci aux couleurs de sa personnalité et dans le respect des techniques que lui ont léguées les bâtisseurs de cathédrales, comme une mission secrète qu’on lui aurait insufflée.



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